Revue des 150 ans de Belles-Lettres

"La liberté est décevante tant qu'on pense ne pouvoir en goûter que par loisir, échappée de vacances et fin de semaine. La liberté est quotidienne ; elle est, à chaque instant, tout ce qu'on est dans tout ce qu'on fait. Nul avoir ne l'assure. L'être seul la donne. Elle est Métier de Vie." Cette citation d'Edmond Gilliard coiffe fort bien le numéro de la Revue de Belles-Lettres, édité en juin 1956 à l'occasion des 150 ans de la Société.

Fondée lors de la fête centrale de 1864 à Rolle, la Revue de Belles-Lettres se veut représentative des lettres romandes. Elle est publiée à tour de rôle par les différentes sections de la Société avant de se fixer définitivement à Genève en 1960. Elle s'ouvre alors aux collaborateurs extérieurs, ainsi que le synthétise le Dictionnaire historique de la Suisse.



Dans ce numéro, large de 16 cm et long de 24, publié par le Comité central bellettrien à Lausanne et par les Sociétés de Belles-Lettres de Lausanne, Genève, Neuchâtel, Fribourg, Zurich et Bâle, on trouve notamment de magnifiques propos liminaires de Léon Savary, ruban d'honneur central.

"Nous savons pourquoi nous sommes entrés à Belles-Lettres. Un milieu où règne la liberté de l'esprit, où il est permis d'avoir des opinions contraires à celles de la majorité, c'est-à-dire révolutionnaires ; un milieu où les conventions établies ne sont pas révérées et où la discussion demeure ouverte sur tous les sujets ; un milieu où l'individu existe comme tel et non pas comme simple unité dans un uniforme.

Il me semble du moins que c'est la vraie conception, la plus authentique, la plus valable, la plus durable, de notre société. (…)


Il n'y a pas d'autre problème que celui-ci : êtes-vous un homme libre ou capable de le devenir ? Et voulez-vous que les autres soient libres, comme vous et avec vous ? Le Bellettrien, c'est celui qui peut répondre oui à ces deux questions.

Belles-Lettres ne crée pas la liberté de l'esprit. Ce n'est pas parce qu'on est Bellettrien que l'on est un homme libre d'esprit ; c'est parce qu'on est un homme libre d'esprit que l'on entre à Belles-Lettres. Mais Belles-Lettres maintient le climat qui convient à la liberté. Et cela est considérable : toute l'histoire de notre société est là, en somme. Ceux d'entre nous dont nous gardons le souvenir furent essentiellement des hommes libres et qui, sur ce point décisif, ne pactisèrent jamais. Soyez-en persuadés : si Belles-Lettres a des ennemis, avoués ou occultes, c'est pour cette raison non pour une autre. On ne lui fait pas sérieusement grief  de son débraillé, de ses chahuts, de sa bohème. On lui en veut de son anticonformisme. (...)

Jeunes camarades aimés, connus et inconnus, je vous en conjure, ne devenez pas de ces gens dont l'horizon se limite aux honneurs et aux profits, qui jugent tout à l'aune de la quantité, du rendement matériel, de l'avantage personnel. Gardez en vous des traits du beau petit anarchiste que vous fûtes. Souvenez-vous parfois de ces soirées où nous avons passionnément discuté jusqu'à l'aube, en citant des poètes, en confrontant des thèses inconciliables, en nous engueulant avec affection, en aimant ensemble ce qui ne sert à rien et qui est précisément notre commun trésor.

La Bêtise au front de taureau nous regarde. Tâchons de rester libres malgré sa menace.
"



Palabres stelliennes

Carte non datée de la Société Stella. Les frères de Couleurs coiffés de leur casquette reviennent peut-être des cours : ils sont en rue (com...