La sainte alliance bellettrienne

De la vadrouille au farniente, les cartes postales qui suivent célèbrent l'amitié, si bien chantée dans "La sainte alliance bellettrienne", écrite sur l'air de la "Sainte Alliance" de Béranger.

Le premier dessin est signé par Warschawsky et date de 1908. Les trous aux quatre coins de la carte indiquent que le carton a été épinglé au mur.



Notre ami Adr..n B.st..n a remarqué que la deuxième carte, qui semble à première vue représenter une vadrouille au grand air, était en réalité un pastiche de la fresque de Ferdinand Hodler intitulée "La retraite de Marignan" (1897).

L'œuvre, exposée à Zurich, - illustrant le retrait des Suisses devant les troupes françaises lors de la guerre menée en 1515 par François 1er pour faire valoir ses droits sur le duché de Naples - avait suscité la polémique. Ses détracteurs reprochaient notamment à Hodler le réalisme cru de ses compositions, l'inexactitude des faits historiques ou encore celle des costumes. 




Oui, parmi nous l'amitié se relève,
Et ce grand jour doit se perpétuer,
Car Neuchâtel et Lausanne et Genève
Par leurs enfants viennent se saluer.
Vers un seul but, où est l'espoir nous devance,
Marchons toujours dans un même chemin.
Amis, formons une sainte alliance
Et donnons-nous la main ! (bis)

En vain partout soufflent les vents contraires
Que la discorde étale chaque jour.
Soyons, amis, plus grands que nos vieux frères !
Nos jeunes cœurs leur enseignent l'amour.
Puisque aujourd'hui règne la violence,
Puissent nos bras la désarmer demain !
Amis, formons une sainte alliance
Et donnons-nous la main ! (bis)

Notre jeunesse a l'esprit et le glaive :
S'il faut lutter, nous formerons nos rangs.
Notre fierté se soumet ; on se lève
Pour nos seigneurs et contre nos tyrans.
Mais dans la paix nous avons confiance :
Nos bras encor sont purs de sang humain !
Amis, formons une sainte alliance
Et donnons-nous la main ! (bis)

Que dans nos cœurs nulle voix criminelle,
Que nul complot n'ose nous désunir,
Nous, ouvriers d'une œuvre fraternelle,
Concitoyens dans un même avenir.
Qu'un seul drapeau sur nos fronts se balance
Et nous aurons un pouvoir surhumain !
Amis, formons une sainte alliance
Et donnons-nous la main !

Bientôt, hélas ! dispersés sur la terre,
En gémissant, nous nous dirons adieu !
Mais, faible ou fort, seigneur ou prolétaire,
Soyons amis et frères devant Dieu !
Quelque destin que le ciel nous dispense,
N'oublions pas notre éternel hymen !
Amis, formons une sainte alliance
Et donnons-nous la main ! (bis)



La carte suivante, de Belles-Lettres Genève, porte la date du 9 février 1914. Mais aussi… l'heure - 2h1/2 -à laquelle elle a été rédigée, signe d'une époque où la poste distribuait le courrier plusieurs fois par jour.

Le texte, adressé à une demoiselle, donne notamment : "Comme des lézards nous nous chauffons sous les doux rayons du soleil et nous songeons aux pauvres mortels qui sont là-bas dans le brouillard" ainsi que "Belles-Lettres et son sympathique président vous envoient leurs plus affectueuses pensées." Parmi les signatures nous ne déchiffrons avec certitude que celle de Géo Bergner, président de Lausanne.





La dernière carte, ci-dessous, envoyée en 1903, proclame "Et vive l'amitié !". Cette devise provient d'un des vers de "Soyons jeunes", chanson de Samuel Robert, Bellettrien honoraire de Neuchâtel.



Il faut cueillir les fleurs lorsque Dieu nous les donne
Il faut avant l'automne,
Avant le temps des pleurs,
Il faut cueillir les fleurs.

Il faut rire et chanter avant les jours sombres,
Avant qu'au champ des ombres
On aille nous porter...
Il faut rire et chanter.

Oui, nous devons aimer la vie et la jeunesse !
Le cœur à cette ivresse
Ne doit pas se fermer !
Oui, nous devons aimer !

Et vive l'amitié ! n'est-ce pas vieux confrères ?
Quand nous choquons nos verres,
Tous nos cœurs ont crié :
"Et vive l'amitié !"

Serrons-nous tous la main ! notre devise est sainte.
C'est l'amour vrai, sans feinte,
Qui chasse le chagrin.
Serrons-nous tous la main !

Ô joli bois vert

Ce dessin de pâtres antiques, coiffés de bérets bellettriens, porte les premiers vers de la chanson de Jacques-Dalcroze, "Ô joli bois vert". Il n'est malheureusement pas daté.

Sur les flancs du mont désert,
L'on voit à mi-pente
Un joli petit bois vert
Où les oiseaux chantent !
De ses baisers infinis
Le zéphir effleure.
Le soleil y fait son nid
Sans souci de l'heure.

Ô joli bois vert (bis)
Ô Belles-Lettres !

Enfants, nous avons joyeux
Foulé sa lisière
Et dansé sur les soyeux
Tapis de bruyère.
Les sapins ont résonné
Ainsi que des lyres
Aux échos désordonnés
De nos jeunes rires.

Le vent cruel a passé,
Mortes sont les roses.
Les rires sont glacés
Sur nos lèvres closes.
Le beau temps s'en est allé
Où dans l'ombre douce,
Enfants, nous allions fouler
Tes sentiers de mousse.

Sous le froid baiser du temps,
Nous sentons les flammes
Qui réchauffaient nos vingt ans
S'éteindre en nos âmes...
Mais voici qu'au bois joli
Revenant ensemble,
Nous sentons nos cœurs remplis
D'un espoir qui tremble...

Nous revoyons ton décor
De fraîche verdure
Nous croyons sentir encor
le parfum des mûres.
Nos coeurs sont restés au bois
Et dans l'ombre verte
L'on entend comme autrefois
Leur tic tac alerte.




Cette autre carte postale, également non datée, évoque aussi la forêt. Nous n'en connaissons pas d'autre. 

Tandis que les promeneurs de la première carte, bien campés, regard porté au loin, dégagent énergie et espoir, le Pierrot solitaire de la seconde carte semble plus mélancolique avec sa mandoline. Qui l'écoutera ?

Elle nous fait néanmoins penser à un des classiques des étudiants vaudois (sur l'air de "J'ai du bon tabac") :


Tout au long du bois,
J'ai baisé ma gourde ;
Tout au long du bois,
L'ai baisée cent fois.
Et si le bois eut été plus long.
Je l'aurais baisée tout du long.



La lune

Les Bellettriens, poètes au cœur tendres, vivent parfois dans la lune. Tandis que d'autres étudiants, sans doute, espèrent seulement la voir...

Aucune de ces deux cartes n'est datée.


Casquette et béret verts

La première carte, non datée, est sans doute l'une des plus originales de celles éditées par Belles-Lettres : par un effet miroir, le destinataire y devient en effet Bellettrien.

La fierté du personnage, qu'on devine en train de siffloter, nous renvoie à "Quand j'ai mis mon béret vert !", chanson composée par le Bellettrien Victor Abrezol. Rappelons au passage qu'à Belles-Lettres l'on porte indistinctement la casquette ou le béret... Voire les deux.


Quand j'ai mis mon béret vert
Je vois la vie tout en rose.
Je ne suis jamais morose
Ni n'ai le cœur à l'envers.
Et s'il m'advient un revers,
Vite, je mets ma casquette
Car je n'ai plus l'âme inquiète
Quand j'ai mis mon béret vert. (bis)



Quand j'ai mis mon béret vert,
Soit qu'il pleuve, soit qu'il vente,
Je suis heureux et je chante
Et méprise les hivers.
Car c'est un bien que j'acquiers,
Et qu'aujourd'hui je proclame,
D'avoir le printemps dans l'âme
Quand j'ai mis mon béret vert. (bis)

Quand j'ai mis mon béret vert,
J'ai les yeux pleins de malice
Car c'est par ce maléfice
Que tant de cœurs ont souffert.
Je jure et je meurs si je perds
Que plus d'une jeune fille
Vite range sa mantill
Quand j'ai mis mon béret vert. (bis)




La seconce carte, également non datée, rassemble la plupart des accessoires du parfait étudiant : la pipe, la chope, l'encrier, les livres et, cette fois - bien envue - la casquette et le band. Mais ce tableau a cependant des allures de nature morte car il y manque le Bellettrien qui leur donnerait vie.




Post jucundam juventutem

"Après la belle jeunesse, après la vieillesse pénible...", égrène le Gaudeamus... Le temps qui passe est un thème estudiantin récurrent. Et les cartes postales de Belles-Lettres n'y échappent pas : la Société a produit des dessins de Bellettriens - très - jeunes et d'autres - très - vieux.

Ainsi, sous le crayon de Moriaud, trouve-t-on un futur Bellettrien, déjà plein de morgue. Ce dessin, non daté, emprunt d'autodérision, nous rappelle quelques vers du "Trophée bellettrien", écrit par Ph. Godet :


Si quelque jour, j'avais la douce ivresse
De voir mes fils s'orner de ces couleurs,
Ce seul aspect, bonheur de ma vieillesse,
Sur mon chemin sèmerait des fleurs.




La carte suivante, envoyée en 1914, présente un chaperon vert sous l'enseigne du local de Belles-Lettres Neuchâtel.


Le texte de la carte signée Wachmutt donne : "Local de Belles-Lettres, le 24.IV.14. Amicales salutations de Neuchâtel. Nous (?) au local tout neuf de B.-L. Mais la mentalité n'est pas la même qu'il y a quelques (?) N'importe, on y sent l'amitié bellettrienne."



A l'autre bout du sablier, un Bellettrien à la longue barbe blanche médite sur le vol des oiseaux.



Mais, chacun le sait, les Vieux ne font pas que méditer… En 1920, Henri Tanner saisit les anciens Bellettriens dans les brumes du tabac.

Le titre de la carte, "Ces Vieux", est un clin d'oeil évident à la chanson bellettrienne "Jeunes et Vieux" écrite par Jacques-Dalcroze, dont nous donnons les deux premiers couplets pleins de sel. On s'y moque de la paresse des "fuchsen", ces étudiants fraîchement intronisés... A moins que cela ne soit les remontrances et les vantardises des Vieux qui y soient la cible d'une douce ironie.

Autrefois (raconte l'histoire)
L'étudiant Bellettrien
Savait en épicurien
Rire, chanter, rimer et boire
Il poursuivait, poulain fougueux,
Des rêves d'apothéose.
Aujourd'hui, triste et dédaigneux,
Il ne fait rien, il se repose.
Ah ! Ces vieux, comme ils sont jeunes.
Ah ! Ces jeunes, qu'ils sont vieux !

Le "praeses" avec non chalence,
Agite son échalas ;
Les autres lisent le Gil-Blas
Pour s'endormir - c'est la séance -
L'on fait "toc toc", un fuchs morveux
Ouvre la porte avec paresse,
Un vieux pénètre, et c'est ce vieux
Qui nous apporte la jeunesse !
Ah ! Ces vieux, comme  ils sont jeunes.
Ah ! Ces jeunes, qu'ils sont vieux !


A la main

Les deux cartes postales suivantes sont uniques : elles sont en effet peintes à la main par V. Marendaz.

Comme le dos des cartes, destiné à l'adresse, est divisé, nous savons qu'elles sont postérieures à 1900. Quant au style vestimentaire des étudiants, il nous laisse penser que les dessins datent des années 1920-1930.

La première carte honore un président de Belles-Lettres, reconnaissable à sa large écharpe.

Les trois personnages sont très probablement des Bellettriens de Lausanne : le ruban qui ceint bérets et casquette est en effet bordé d'argent, rappel de l'origine gymnasienne de la section de Lausanne. (Le ruban de Belles-Lettres Neuchâtel est quant à lui bordé de fil dor, car cette section trouve son origine à l'université.)

Nous avons vu passer des cartes du même auteur, également réalisées à la main, représentant notamment des sociétaires de Zofingue, Stella, Helvétia...




Centenaire de Belles-Lettres

La Société de Belles-Lettres a été fondée en 1806 à Lausanne, par des gymnasiens (élèves de secondaire). Elle a donc logiquement fêté son centenaire en 1906.
Peu après sa fondation, ce premier cercle littéraire voit naître une société de littérature à Genève en 1824. Elle prendra elle aussi le nom de Société de Belles-Lettres. Quant à la société des étudiants neuchâtelois, fondée en 1832, elle adoptera le nom de Belles-Lettres en 1848.

D'autres sections ont rejoint Belles-Lettres : celle de Fribourg en 1899, celle de l'Ecole polytechnique de Zurich en 1920 et celle de Bruxelles en 2014.

Seules les sections de Lausanne, Neuchâtel, Bruxelles et Genève existent encore.

Sur la première carte éditée à l'occasion du centenaire, figure les portraits de deux Bellettriens en ombre chinoise. Nous n'avons pas encore réussi à déchifffrer leurs initiales. En plus de leur band, celui de gauche porte un cerevis (petit callot aux couleurs de la société, parfois appelé Bierpet) et celui de droite une casquette verte.



Cette lithographie, imprimée chez Atar et envoyée en juin 1906, porte notamment au recto : "Toi qui aimes les arts aurais peut-être souri devant la décoration que les Vieux qualifient d'artistique. On fait ce qu'on peut."


La seconde carte, également imprimée chez Atar, reprend une aquarelle de l'ancienne académie de Lausanne (vue depuis les hauteurs de la ville), où figure en bonne place une branche de ce sapin toujours vert, tant chéri par les Bellettriens.


Le chalet de Belles-Lettres

En 1898, les étudiants de la Société de Belles-Lettres, à la recherche du calme des Alpes, découvrirent, découvrirent le chalet du Revenandray. Ils y installèrent leurs bérets verts et leur vie de Bohème. 

Le chalet brûla malheureusement en 1935. Mais il fut reconstruit deux ans plus tard.

La carte ci-dessous n'a pas été envoyée. Nous ne disposons donc pas du cachet de la poste, qui nous aurait permis d'estimer son année d'impression.


Néanmoins, l'observation de la façade du chalet nous permet laisse penser que le dessin de cette carte date vraisemblablement d'avant l'incendie de 1935.


Ombres chinoises à Belles-Lettres

Cette carte en ombre chinoise de la section neuchâtelloise de Belles-lettres n'est pas datée. Elle a été conçue sur le modèle des cartes des corporations germaniques : une silhouette noire d'un buste d'étudiant, avec casquette et band colorisés, le tout reposant souvent sur un fond aux couleurs de la corporation.


Ce type de carte représente un archétype d'étudiant assez hiératique. Mais il s'inspire des portraits beaucoup plus émouvants réalisés pour les cartes souvenir. Ces cartons de petites dimensions mentionnent le plus souvent les noms des amis ainsi qu'une date. Un trou d'épingle est souvent visible sur le carton : il indique évidemment que le portrait a été accroché au mur de la chambre de l'étudiant.

Nous présentons ici quelques exemples de ces cartons aux ombres chinoises. Ils appartiennent à une série plus large de portraits de Bellettriens, offerts à Auguste Borel (futur négociant de Neuchâtel).

Les silhouettes sont imprimées à l'encre noire et le cerevis (le calot aux couleurs de la société) et le band sont réalisés à la main.

Le carton de gauche porte à l'encre : "Janvier 1858. GB Meares à s/a Auguste Borel. Souvenir bellétrien. Neuchâtel."



Le texte du carton de droite est amusant. Un des vers du "Gaudeamus" - "Vivant omnes virgines, faciles !" - y figure mais celui-ci, jugé sans doute trop sulfureux, a été amputé de certaines syllabes, pour le rendre illisible. Aussi le carton souvenir porte-t-il "Vivant omnes vir...es ! fac...es ! B.C.V." Suivi de "J. Roekrich à son ami Borel. Souvenir bellétrien. Rolle Av. 17 58."

Notons au passage que ce bellettrien porte un deuxième band, sans doute de l'Helvetia.



Le carton de gauche suivant porte : "F. Hartmann a/s ami Borel. Souvenir belletrien. Neuchâtel le 22-1-58." Et celui de droite "E. Benoît à son ami Borel. Souvenir bellettrien. Rolle 17 avril 1858."


Le carton suivant, à gauche, également signé à Rolle le 17 avril 1858, porte au crayon : "Union Etude." Puis, dans une croix : "17 X 4 X 18 X 58". Suivi de la dédicace : "Rodolphe Bernard à son ami Borel. Souvenir de Rolle."

Le carton de droite porte : "Léon Rohland à s/a A. Borel. Souvenir d'amitié. Neuchâtel, 8 janvier 1858"



Le carton de droite, ci-dessous, porte la dédicace : "Fritz v. Bosset à s/ami Auguste Borel. Souvenir Belletrien."



Bierzipfel et pipe de Belles-Lettres

La première carte a été envoyée en mars 1899 à P. Givel, au collège du Sentier.

L'écu qui l'orne est aux couleurs de Belles-Lettres. Il est entouré d'une branche de sapin, arbre fétiche de la Société en raison de sa longévité. Le premier couplet de l'hymne de Belles-Lettres lui est d'ailleurs dédié : "Bellettriens, plus de soixante années / Ont vu grandir l'arbre que nous aimons..."

Une pipe en porcelaine (au tuyau vert et rouge) est également associée à l'écu. La pipe, très présente dans l'iconographie estudiantine, symbolise la réflexion : les rêves s'en échappent en longues volutes de fumée.

Enfin, deux Bierzipfelen pendent de l'écu. L'un porte, "Union Etude", la devise de la Société, l'autre porte son année de fondation, 1806. Dans un article précédent, nous avons exposé l'origine probable du Bierzipfel. Ce bout de ruban aux couleurs de la confrérie, accroché au veston, peut avoir servi de signe de reconnaissance entre sociétaires, à une époque où les corporations étaient persécutées pour leurs idées libérales. Aujourd'hui, le Bierzipfel sert principalement à identifier son verre, pour éviter la circulation de maladies contagieuses.

Si aujourd'hui la casquette et le band sont les principaux attributs des étudiants corporés, la pipe et le Bierzipfel ont aussi été longtemps leur apanage.

Le texte donne, dans un argot parodiant celui des apaches parisiens (alors en vogue dans les romans) : "Mes colles serrent la rame à tes guières et leur demandent des nouvelles de leurs zigues."


La carte suivante est postérieure. Mais la date est inconnue. On y voit un Bellettrien, en couleurs, fumer la fameuse pipe. Il arbore son Bierzipfel à son gilet.


Nous n'avons pas encore pu identifier le dessinateur, qui a signé cette carte sous les initiales E.S.Z. 

Fête centrale de Belles-Lettres et île de Rolle

Depuis 1846, les étudiants de la Société de Belles-Lettres se retrouvent à Rolle, commune du Canton de Vaud, pour leur fête annuelle. Et ils prennent d'assaut l'île de la Harpe.

Des fêtes centrales, rassemblant les différentes sections de Belles-Lettres ont cependant également eu lieu ailleurs.

Voici quelques cartes postales éditées pour célébrer ces fêtes. Elles sont classées par date.




Cette lithographie, imprimée chez Spengler, a été envoyée le 23 novembre 1899. Le dessin est d'Emile-David Turrian (1869-1906). Le musée du Vieux-Moudon résume ainsi son activité artistique, "abondante que variée : peinture de portraits et paysages, affiches, vitraux, décors de théâtre. Le dessin a cependant été son mode d'expression privilégié : cartes postales, carticatures, paysages urbains."



Le texte, écrit sur le verso, donne : "Mille mercis pour les belles cartes. Elles nous ont fait une joie énorme. Tu ne sauras jamais de qui j'ai cette belle carte. Donne-nous de tes nouvelles un peu plus souvent s.t.p. N'oublie pas la "Suisse sportive."


La carte de la réunion des anciens bellettriens neuchâtelois du 22 juin 1905, à l'île Saint-Pierre, porte au verso, au-dessus de l'île, le premier couplet de l'hymne de la Société, en partie caché par les nuages : "Bellettriens, plus de soixante années / Ont vu grandir l'arbre que nous aimons. / Sous ses rameaux que d'heures fortunées, que de beaux soirs, que de folles chansons".


Le courrier, destiné au Docteur Ulysse Vauthier (que nous retrouvons plus bas), donne : "Mon cher Ulysse, merci enfin d'avoir adhéré aux Anciens à Ntel. Rien ne manque à ta gloire, mais tu manquais à la nôtre. (…) Nous avons encore deux Neuchâtelois à Genève à l'Hôpital cantonal Gustave Humbert et Edouard Roulet, tâche de les convaincre à envoyer également leur adhésion."


La carte suivante, non envoyée, a été imprimée par Atar, à Genève. Elle est éditée pour la fête centrale de mai 1908, tenue à Estravayer-le-Lac, dans le canton de Fribourg.



La carte de la fête centrale de mai 1909 a été imprimée par Derénéaz-Spengler. Malgré un thème très sage, la présence d'une grappe indique discrètement que les festivités se déroulent le verre à la main.


Cette carte également destinée au Docteur Vauthier annonce : "Fête réussie. Temps épatant samedi. Pluie la nuit... et ciel radieux aujourd'hui. Amitiés et merci. Charles."


Carte envoyée le 21 mai 1910, le premier des trois jours de fête centrale. Le dessin est dû au crayon d'Henri Jeanrenaud, qui illustra notamment le manuel scolaire "Histoire de la Suisse". Si les bérets, typiques de Belles-Lettres, dominent ce dessin, on y voit aussi un bierpet (sur la tête du sociétaire debout, à l'avant-plan, à droite).

Cette carte, bien que disposant d'un dos divisé, présente encore un espace blanc sous l'illustration pour y recevoir un texte.

Elle porte au recto : "La fête est calme. Mes amitiés cordiales. Félix."

La carte suivante est envoyée par le Bellettrien Paul Vulliéty à sa sœur, lors de la fête centrale de mai 1911. Le thème délicat et romantique de l'illustration ne doit pas nous induire en erreur : les festivités sont bien arrosées. Comme le laisse entendre le lapidaire "journée gastronomiquement marécageuse".



La carte suivante n'a pas été postée. Elle a été réalisée pour la fête centrale des 18 et 19 mai 1912. Elle présente un thème très sage, voire emprunt d'un peu de mélancolie. Au contraire, de celle de 1914, ouvertement festive.


La carte de 1914 a été réalisée par Louis Moriaud : le béret côtoie la casquette pour fêter le vin. Elle n'a pas été envoyée à cette occasion : elle n'a été rédigée et postée qu'en juillet.


La carte adressée à un certain Warhmuth porte "Dionysos réuni ce soir te prie d'inventer et rechercher dans ta mémoire les injures les plus grossières que tu connaisses (Elles sont nombreuses) et que tu les serves sur un tas de fumier. Dionysos estimant qu'il est inadmissible qu'un ancien président de l'ordre n'ait pas eu la courtoisie de s'excuser pour la séance de ce soir, tenue à Meyzin, séance qui fut charmante et où ton absence ne s'est point fait sentir."



La carte de 1921 a été dessinée par Henri Tanner, illustrateur prolyxe, qui travailla également pour d'autres sociétés étudiantes.

Ce dessin réflète bien la mentalité optimiste des étudiants : le monde et l'avenir leur appartiennent.



La carte de 1925, une des moins réussie de Belles-Lettres (à mon estime) reste un point d'interrogation. Comment expliquer la présence d'une dame en chaise roulante et l'absence d'étudiants ?


La carte de la fête centrale de 1933 renoue avec l'esprit de celle de 1914 : la réunion annuelle est l'occasion de célébrer Bacchus. On notera la jolie ombre portée de l'étudiant en forme de Zirkel.


La carte suivante, non datée et non titrée, est néanmoins clairement une illustration de l'invasion de l'île de la Harpe par les Bellettriens. Nous n'avons pas réussi à lire le nom de l'illustrateur.



Palabres stelliennes

Carte non datée de la Société Stella. Les frères de Couleurs coiffés de leur casquette reviennent peut-être des cours : ils sont en rue (com...