Molière et Belles-Lettres

La carte suivante, éditée en 1922, présente des Bellettriens en grand débat. Des volutes de leur tabac surgissent quelques monstres sacrés. Et au milieu, pendant à la muraille, le portrait de Molière. Ce portrait est en fait la reproduction d'une carte éditée aussi en 1922 par Belles-Lettres, pour célébrer le maître de la langue française.




La Société de Belles-Lettres entend porter haut la littérature et la poésie romandes. Mais qu'en est-il vraiment ? Jacques-Dalcroze y répond avec "Belles-Lettres", repris sous le numéro 9 du chansonnier édité en 1907 par Belles-Lettres.

Un jour qu'il flottait dans l'éther
Comme un souffle de romantisme
Se rencontrèrent à Bel-Air
Trois étudiants pleins de lyrisme.
Le premier théologien,
Le deuxième en mathématique,
Le troisième ne faisait rien,
Car il avait l'esprit pratique.
Et ces trois, apprenti pasteur,
Je m'en fichiste et géomètre,
Fondèrent notre Belles-Lettr's,
Société de littérateurs.

Elle acquit beaucoup de renom
Et Belles-Lettres a fait souche
D'hommes distingué dont le nom
Est comme du miel dans la bouche ;
On y voit des gens de partout,
De Paris jusqu'à Samarkande,
Des Roumains, des Teutons, surtout...
C'est une société… "romande".


On accepte des orateurs,
Rhéteurs, pasteurs à Belles-Lettres, 
Des chimistes, des géomètres,
Mais jamais de littérateurs !

Mais malgré le présent serein
Et le passé couleur de rose,
On sentait l'esprit chagrin,
Il manquait encor' quelque chose !
Enfourchant un nouveau dada,
Nous nous frappâmes la poitrine,
L'Etat nous compris et fonda
La faculté de médecine.

L'on voit donc entrer des docteurs,
Rhéteurs, pasteurs à Belles-Lettres,
Des chimistes, des géomètres,
Toujours pas de littérateurs !

La perle de l'ironie revient sans doute au titre 13 du chansonnier bellettrien, "Lettre", écrit lui aussi par Jacques-Dalcroze. Bien entendu, moquer l'accent germanophone est facile. Mais en creux, on y lit la mixité de la Société et, surtout, le bilinguisme des germanophones (qualité rare chez les francophones)...

Che fous échris, ma chèr' maman.
Bour fous fair' bart du sentiment
D' satisfaction et de pien-être
Que che ressens à Pelles-Lett'.
Pell's-Lettres, c'est une société
Où le chenre est drès distingué ;
C'est la meilleure ousque à mon aise
J' pisse étudier la langu' française.
Che suis Pellettrien tepuis c' matin.

C'est la seul' société, tu sais,
Où l'on parle un chôli vrançais ;
Les broffesseurs n'ont pas l'air fier
Et les leçons n'y coûtent pas cher.
A Pell'-Lett's, il y a tes méd'cins,
Des afocats, tes varmaciens.
Des chemist's… C'est bour ça beut-être
Qu'on lui donn' le nom de Pell'-Lettres.
Che suis Pellettrien tepuis ce matin.

Che tâch' tans ce milieu romand
D' bien brofiter, ma chèr' maman...
Bendant qu' les autr's poiront t' la pière,
Che pûcherai mon tictionnaire.
Mon brofesseur, Monsieur Lacour,
M'a dit qu' che s'rais drès fort un chour ;
Et quand che s'rai le brésident,
Ch' leur f'rai à tous abbrendr' l'allemand.
Che suis Pellettrien tepuis ce matin.

Palabres stelliennes

Carte non datée de la Société Stella. Les frères de Couleurs coiffés de leur casquette reviennent peut-être des cours : ils sont en rue (com...